19/05/2024

auncune Amérique


 Ce matin

le chat endormi tranquille

contre l'oreiller


derrière le rouge des rideaux,

 le soleil de mai.


Ouvrir la fenêtre, se faire un café,

de la musique,

dehors les oiseaux,

dehors les arbres, les fleurs du jardin


le coeur est lourd cependant

une lourdeur de fer le leste

et finalement 

le soleil augmente l'angoisse

augmente les idées bizarres, tordues, mal foutues


Il faut sortir, aller au rendez-vous.

Mon visages est crayonné

c'est un dessin de brouillon,

il faudrait gommer des traits en trop

le repasser à l'encre de Chine, 

repasser les paupières,

les joues

il faudrait tout repasser,

et tout gommer.

Voilà le vrai visage qui ne veut pas se montrer : 

un trait de brouillon.


Il faut aller au rendez-vous.

Le corps, les idées,

tout est pris dans un étau, 

mais il faut y aller 


Alors j'y vais, je pars

sur mon scooter électrique, je suis fantomette,

je glisse en silence dans les rues,

je surprends les gens qui ne m'ont pas entendue.

Freinage.


Et puis le bois de Vincennes à traverser,

vraiment personne à cette heure,

je fends le vert, la terre,

je fends le bois en deux.

Le vent me fait pleurer,

une larme brouille mon oeil gauche.


Tout est calme.

Tres calme.

La Marne à traverser,

pas la mer, pas l'océan.



Aucune Amérique de l'autre côté.


                                                                                      






21/01/2024

`Tranquillité



C'est le hasard
ce n'est que le hasard, rien de plus.

Une organisation de chromosomes, de cellules, de sang, d'hérédité,
dont nous ne sommes pour rien

Rien du tout.

Pourquoi cette bouche, ce menton
ces cheveux
cette voix

Pourquoi, pourquoi
pourquoi moi
pourquoi lui

Pourquoi notre forme, notre taille
(de pieds, de mains, de torse, de cuisse, de sein)

Pourquoi telle fragilité (une maladie chronique, un malformation cardiaque ?)

Pourquoi cette odeur spéciale,
nos aisselles, notre sueur, nos sucs

Pourquoi cette façon de parler, cette épaule, ce nez ?

Se rectifier, peut-être.
Gagner quelques centimètres par le sport, la vitamine.

Apprendre à se tenir plus droit
apprendre à devenir un autre que soi
en mieux.

Comprendre cette machine intime dans laquelle on vit
dans laquelle on baigne
le jus dans lequel on réveille, immanquablement
chaque matin
et dans lequel on s'endort invariablement,
chaque soir.

Comprendre qu'avec une telle gueule
va falloir en titrer le meilleur parti
forcer le trait là où le trait est maigre
l'adoucir là où le trait crie trop fort.

Comprendre qu'il faut y aller, à la mine, au charbon
à la mine de l'esprit
au charbon de la finesse.

Comprendre que c'est pas gagné,
la paix dedans.

Qu'il va falloir se sculpter
se dessiner, se transformer.

Et puis, le regard de l'autre.

Le regard qui vous dit que ça va,
on est bien, qu'on peut se tranquilliser un peu
qu'il faut arrêter, le tremblement, l'équarquillement,
la stupeur.

Juste un peu de calme
quelques caresses,
juste un peu de consolation.



















Moi
j'ai voulu plaire à mon père
j'ai voulu plaire à ma mère

j'ai voulu plaire aux hommes
j'ai voulu plaire aux femmes

J'ai dit n'importe quoi
j'ai fait n'importe quoi
pour leur plaire
juste ça,
leur plaire

Sans savoir ce que j'envoyais comme signaux décousus
désordonnées

J'ai voulu plaire aux autres qui me plaisaient

pour qu'ils m'aiment


Sans bien connaître la valeur des sentiments
sans bien comprendre, ni être certaine que les autres m'aimaient

L'amour des autres ne m'a jamais paru comme être vrai
je doutais, 
je doute

Comment peut-on m'aimer, dans le fond
quelle est la valeur de tout ça, 
des prétentions de plaire et d'être plue

Quelle réparation
et de quel endroit

Moi, j'admire les gens qui ne font rien pour plaire
qui reste inaltérablement eux-même
qui ne se plient pas aux ordres de leurs peurs
je les admire beaucoup, oui,

je ne sais pas faire ça.